Les Vertus du Carnaval

Que savons-nous encore du Carnaval? Lorsque nous voyons Batman ou Raiponce défiler dans la chasse aux sorcières et se ruer sous une pluie de bonbons, mon regard éberlué se demande à quel moment de l’histoire tout à basculé… De nombreuses définitions du Carnaval parlent du Carême et de la traduction du mot comme « enlever la viande » mais cela ne me dit rien sur le sens du déguisement ! Mais prenons un instant, un instant de rien et laissons-nous inspirer… Puisque nous sommes au coeur d’une fête pas comme les autres, une fête où se côtoie plus près que dans toute autre fête le sacré et le profane, une fête qui met entre parenthèses le temps et invite les morts et les vivants à vivre ensemble dans l’éternité, une fête comme le dit Mircea Eliade pour passer du chaos à la cosmogonie…

Une année se termine avec les célébrations de Noel, une nouvelle année s’en vient et la voici qui ouvre une brèche étonnante dans le temps où se trouvent conviés toutes les formes existantes et même celles qui ont existé de près ou de loin dans le passé. Cette fête est le chant de ce qui réunit la diversité la plus absolue, infinie et indéterminée, une danse des couleurs, des formes et du difforme, une ôde à la sublimité de la différence, des forces sauvages et instinctives de la nature… Aujourd’hui le temps est aboli, nous célébrons ensemble la grande floraison de l’existence !

Pourquoi le difforme interpelle-t-il et se retrouve-t-il si souvent dans l’imagerie du Carnaval? Le difforme est fascinant: nous nous représentons derrière le corps normal d’un homme, une âme traditionnelle aux reflets de ce corps. Mais l’âme du difforme ne correspond pas à son corps, elle le déborde carrément. Un sentiment de distinction entre le corps réduit et l’âme débordante qui l’habite peut facilement nous hypnotiser, l’âme se donne à voir plus fort. Mais alors quelle en est sa forme? Dragon ou joyeux fou, le difforme révèle l’insaisissable…

Puis bon… au-delà de ces rêves fous ancestraux, je voudrais célébrer aussi en ce jour une beauté qui a mit ma vie sous le seau de l’émerveillement: il y a dans chaque espèce – le dauphin, le tigre, le moustique, l’arbre, la montagne, le vent, etc – une manière différente et unique d’exister et d’être vivant. Chaque corps exprime sa sagesse d’existence, ses choix pour communiquer, percevoir, ses stratégies pour occuper son espace, donner de l’amour, se protéger, etc. Tout cela reflète le caractère de l’espèce et ce qui lui importe à vivre comme valeurs. Ces choix, ces stratégies, ces corps qui disent « voici qui je suis » ont capturés toute mon attention, ils me donnent soif du mystère… Je souhaite célébrer en ce jour de gloire à la diversité, la sagesse de chaque espèce et je fais le voeux que l’humanité puisse s’y ouvrir pour trouver des chemins de renaissance…

Et pour terminer, je souhaite célébrer le Carnaval de notre psyché ! Cette multiplicité d’êtres qui nous habitent, prennent la parole à notre insu et se montrent au grand jour: le rigide, l’hystérique, le jaloux, le sage, le méticuleux, le lunatique et tant d’autres aux mille visages… Donnerez-vous aujourd’hui à la lumière de votre conscience un visage et libérerez-vous l’expression corporelle et verbale à l’une de vos énergies? Le grand théâtre du Carnaval est ouvert !

Amusez-vous bien en ce jour de fête et puis surtout ne fermez pas la parenthèse de cette célébration si vous ne souhaitez pas le faire, car cet amour de la diversité, ce jeu du Carnaval, aujourd’hui, nous est plus que jamais précieux… Divine multiplicité…

Bonne Semaine !

Joy Eau

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