La petite fille consolant la Mort

Magalie grelottait tout au fond de son lit, ses draps humides récoltaient la transpiration que son petit corps de 5 ans émanait. Sa fièvre venait de toucher des sommets improbables. Maman s’était assoupie sur une chaise à ses côtés, cela faisait plusieurs nuits qu’elle ne dormait pas pour veiller sur son petit ange. Le sommeil l’avait maintenant gagnée.

Et puis, divinement la douceur revenue, la chambre s’emplit de lumière, une lumière ouateuse comme si on pouvait la toucher. D’ailleurs Magalie jouait déjà à faire des vagues de lumière en agitant ses petites mains en l’air.
Quelqu’un était assis près de la fenêtre, Magalie ne se saisit pas de cette présence inattendue. Au contraire, elle lui dit :

– « Je t’attendais ! Je suis presque prête, je prépare ma valise et on peut y aller ! … Par contre, continua-t-elle, je ne comprend pas pourquoi tu es venue déguisée! ».

– « Comment vois-tu que je suis déguisée? » répondit l’étrange silhouette en levant la tête déconcertée.

– « J’avais cru que tu étais plus belle, cette capuche noire, ça ne te va pas du tout, c’est moche et… ça me fait peur… » dit Magalie d’un air soudainement dépité.

– « Ce déguisement est la représentation de vos croyances à vous les humains, murmura d’une douce voix l’être encapuchonné vêtu d’une longue robe noire, cette faux ne m’appartient pas non plus, elle appartient au regard cauchemardesque que vous portez sur moi… cependant vous ne me connaissez pas… ».

– « Moi je te connais » dit Magalie… « Mon grand-père m’a parlé de toi à l’hiver passé… J’étais assise près de lui, sur son lit, à jouer et se raconter des histoires lorsqu’il t’a vu… Il s’est mit à rire, il m’a dit qu’il te voyait et que tu étais bien plus belle que ce qu’il avait toujours imaginé, et il m’a prévenu que tu étais venue le chercher et à ce moment là avant de mourir il m’a fait une caresse sur la joue, là j’ai senti ce que j’ai compris être ton énergie… Depuis ce jour là je me réjouis de te rencontrer ! ».

– « Tu te réjouis… » dit la Mort émue…

Une étincelle fit apparaître son regard enfoui dans l’obscurité de la capuche. Magalie ne manqua pas de l’apercevoir.

– « Les humains confondent tout » balbutia la Mort, « ils pensent que je viens les arracher à leur vie, ils soutiennent que j’ai un quelconque pouvoir sur eux, ils se sentent victimes et me voient comme un monstre… Mais tu sais Magalie, je ne suis rien de tout ça, je n’ai pas d’autre pouvoir que celui d’exister… Et toute mon existence se trouve résumée dans la lumière que j’offre à chacun pour permettre à l’âme et au corps de retrouver leur propre monde : le corps retourne à la matière, et l’âme a besoin de continuer sa libre danse dans toutes les dimensions parce que l’âme est profondément libre, vois-tu? ».

En s’exprimant depuis le coeur, le déguisement de la Mort glissait doucement vers le sol et se désintégra, déployant un être d’un rayonnement encore jamais vu. Des larmes coulaient sur ses joues de lumière projetant une quantité de petits arcs-en-ciels dansant sur les murs de la chambre.
Magalie ouvrait de grands yeux écarquillés soulignés d’un merveilleux sourire apaisé. On y était, elle la reconnaissait, celle dont lui avait parlé son grand-père !

– « Mon rôle, continua l’être scintillant, est de permettre la continuité de la vie éternelle de chaque âme en lui donnant l’opportunité de poursuivre son chemin… Et je ne force personne Magalie, si tu savais, les heures, les jours et parfois les mois que j’ai passé à attendre que la résistance des humains trouvent dans mon amour la paix suffisante pour voir au-delà de leur peur, la vie éternellement libre qui est la leur… Moi je suis une accompagnante, je ne suis là que pour aider les vivants à réaliser les transitions qu’ils ont besoin de faire pour continuer le déploiement de leur vie… Je suis la vie éternelle Magalie et je viens éveiller les vivants à leur vie éternelle… leur vie ne s’achève pas, au contraire, la résistance les enferme dans la souffrance de croyances si douloureuses… La vie est belle, et je suis la vie, je fais partie de son mouvement éternel… »

– « Veux-tu danser? » demanda la petite fille, en revenant vers l’être merveilleux avec un très beau collier de fleurs en couleurs qu’elle lui passa autour du cou. « Je te baptise aujourd’hui et pour toujours Grande Dame de la Vie Éternelle ! ».

La Vie Éternelle souriait, Magalie aussi, leur lumière irradiait par-delà les murs de la chambre. La petite fille jeta un regard sur sa maman endormie qui souriait aussi baignée dans les flots de lumière.

Saisie d’une inquiétude Magalie se retourna soudainement vers la Vie Éternelle et s’expliqua : « Je comprends que tu sois la vie éternelle, mais alors pourquoi certaines personnes meurent avec tant de souffrances? Pourquoi, si tu es si douce, l’instant de mort de certains peut sembler si tragique? ».

L’être de lumière, au coeur débordant d’immenses vagues de compassion, s’assit et prit le doudou de Magalie entre ses mains, puis dit d’une voix sereine : « la manière dont chacun vit l’instant de sa mort appartient au choix de la création personnelle, ma chérie. Je sais qu’il peut être difficile de concevoir qu’un être vivant se fasse lui-même souffrir, cependant il ne le fait pas intentionnellement… L’un développera une longue maladie pour avoir le temps de dire au revoir et remercier ce qui a rendu riche et joyeux son passage sur Terre ; un autre partira brutalement et sans conscience car prendre conscience de la mort lui semble insurmontable pour les croyances qu’il y associe ; les raisons et les manières de s’ouvrir à la transition sont infinies. Cependant l’amour des êtres est la racine de tout ce qui arrive même si ces êtres ne peuvent pas le voir ou le concevoir au premier coup d’œil alors qu’ils en sont eux-mêmes les créateurs ».

La Grande Dame de la Vie Éternelle plongea son regard de lumière par-delà la fenêtre, dans le ciel étoilé infiniment bleu, infiniment profond, d’une grande beauté cosmique, puis plongea le cosmos de ses yeux dans ceux de Magalie.

– « Es-tu prête à cheminer vers le mystère Magalie? » se renseigna la Vie Éternelle.

La petite fille soupira en regardant sa mère dormir, belle comme un printemps en fleurs : « Elle va me manquer… » gémit-elle.

– « Personne ne t’obligera à t’éloigner d’elle Magalie, n’oublies pas que le chemin que je suis venu faire avec toi n’est pas un chemin d’arrachement mais un chemin d’ouverture… Les êtres humains ont tout misé sur le langage verbal pour communiquer entre eux au point de se fermer et d’oublier le langage du vivant, alors ils sont souvent perdus comme des nouveaux-nés qui doivent apprendre à parler une langue dont ils ne connaissent rien au moment de la transition. Le vivant tout entier, les animaux, l’air, les coïncidences s’offrent à vous pour continuer à goûter votre lien ».

Magalie recentrée dans sa paix avait retrouvé son sourire enthousiaste et sa joie d’aventurière à la vie éternelle. Elle attrapa sa valise et proclama : « C’est bon ! Je suis prête ! On y va? »

La Grande Dame de la Vie Éternelle déploya deux ailes blanches plus grandes que l’infini. En lui rendant son doudou, elle lui dit: « Tu ne pourras pas prendre ta valise petit ange mais va donc glisser ton doudou dans les bras de ta maman, je l’ai remplit de mon énergie. Elle saura que tu vas bien tout comme tu l’as su pour ton grand-père ».

Magalie s’exécuta et profita de déposer un bisou sur la peau douce de sa maman en lui chuchotant à l’oreille : « Maman ne t’inquiète pas, je reviendrai pour te raconter c’est comment là-bas ».

La Grande Dame de la Vie Éternelle détacha les ailes de son dos et les posa sur les omoplates de Magalie en l’encourageant : « A présent vas-y ma belle, retrouve la nudité de ton âme, embrasse la vérité de ton être et vole, amuses-toi ! Tu as les ailes de l’Eternel ! ».

Une chaleur douce fit glisser l’image de Magalie délicatement vers le sol comme le déguisement de la Grande Dame de la Vie Éternelle l’avait fait quelques instants plus tôt et révéla un immense oiseau aux couleurs du Paradis.

« Magalie sait jouer… » pensa la Grande Dame de la Vie Éternelle en découvrant le corps merveilleux que celle-ci avait choisit pour plonger dans la joie du mystère.

La Vie Éternelle embrassa la maman de Magalie et avec la paume de sa main grava dans sa mémoire sous forme de rêve tout ce qui s’était passé dans cette chambre pendant son sommeil.

La Vie Éternelle s’éloigna en jouant à faire des vagues de lumière en agitant ses mains dans l’air et en songeant : « J’ai tant à te remercier Magalie, toi qui m’a vue… ».

Joy Eau

Je vous souhaite mes amis une excellente semaine ouverte au monde et à croquer à pleines dents !

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4 Replies to “La petite fille consolant la Mort”

    1. Bonjour Olivier 🙂 Marieodile m’a commenté avoir écrit un livre avec vous et à l’époque elle avait aussi apprécié ce petit conte 🙂 un grand merci pour votre clin d’oeil sur ma page. Au plaisir peut-être pour un échange de pensées créatives 🙂 Tendresse à vous…

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